Au Bar Défi Lancé

if you gotta ask, you'll never know!

Friday, December 02, 2005

Le papillon


Un crâne sur la table. Un crâne en bronze. Deux dents cassées. Une vanité fume. Sur le devant un drapeau des Etats-Unis. Un ventilateur. Le ventilateur fume. Une chevelure de femme. Pas de femme. Deux créatures à l'ombre au frais s'endorment. Leurs parfums ventilent une odeur de chiffre. L'homme chiffonne un bout de papier entre ses doigts, et me le jète. Une phrase est écrite :

"Un chemin mène sûrement vers quelque chose de rationnel : ouvrez toutes les portes."

L'homme assis à son bureau hurle au téléphone :
_ Pourri pourri les voilà! Il faut courir et leur échapper merde! Mais non! Ce n'est pas une chose que l'on savoure! Tu ne vois pas que tout est faux ici? Tu ne le sens pas??
L'homme raccroche le combiné. Je suis sûr qu'il n'appelait personne. Il fait tourner son fauteuil vers moi:
_ Allons viens voir de ce côté, regarde cette fumée... Elles sont belles, hein? Tu aimerais qu'elles te parlent, tu te contenterais même d'un regard, non? Mais regarde plutôt, mange toute la salle. Ca y est, tu sens?
_ Je sens des parfums. Les parfums fument... Les parfums me cachent quelque chose...
_ Choisis-en un et suis-le. Suis-le jusqu'au bout.
_ Il y en a beaucoup. Je ferme les yeux. J'imagine le désert. Je vois les femmes seules sur le sol séché. Je vois les fissures et les trous de la terre. Ca y est. J'ai isolé une odeur, un chiffre et une robe. C'est une robe jaune. L'odeur est lourde et entêtante. Elle vient des fissures, de l'arbre et de la terre retournée. Je suis la femme. Nous fonçons entre les statues immobiles et friables. Un soleil blanc se lève.
_ Ah! Tu y es presque. Attends un peu maintenant. Le soleil s'est levé pour te montrer quelque chose. Arrête la poursuite et regarde autour de toi.
_ Des crânes. Des crânes fument sous le soleil. Les peaux s'endorment et les chevelures font des virages vers le ciel. Tous semblent attendre...
_ Voilà. Ils attendent comme toi. Ils ont vu que tu les regardais. Ils ont vu tes yeux et ils n'ont pas pu se cacher. Attention maintenant il faut que tu fasses vite. Où est la robe jaune?
_ La robe jaune a tout vu elle aussi. Elle m'a souri comme à un enfant puis s'est fondue dans la foule. Je crois qu'elle m'invite à la suivre.
_ Suis-la. Suis-la vite et dépêche-toi. C'est une chance rare. Où va-t-elle? Ne la perd pas surtout!
_ La foule est décharnée et ne peut plus rien me cacher. Les chevelures se sont envolées, les parfums meurent. La robe jaune est un courant d'air qui file à toute vitesse. Je me mets à courir. Mille portes noires s'effondrent. Nous filons par les trous des serrures, le long des plaintes, puis sous les plafonds qui tombent derrière nous, à toute vitesse - nous sommes aspirés et elle me sourit toujours.

L'homme est secoué d'un rire d'une profonde jeunesse. Il hoquète puis s'endort avec douceur. Le ventilateur fume.

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