Au Bar Défi Lancé

if you gotta ask, you'll never know!

Monday, May 30, 2005

Monday morning...

Trouver le bout de la terre non loin des roches brunes comme un air de Bretagne à la pointe des sens. Ca pique! Le vent du soir se renforce et soulève les mèches folles comme les feuilles d'un arbre triste. Y-a-t-il un élément végétal dans nos pensées ? Une analogie mystérieuse entre le souvenir que je garde d'elle et les roches de la côte, tantôt molles et glissantes quand elles sont couvertes de mousse, tantôt rèches et tranchantes comme des lames salées?
Une bruine légère vient me cingler le visage, et de ces mille picotements naissent autant de reminescences vagues, parcelles émiéttées de mon couple, des brins de nous qui nous balladions ensemble sur les sentiers de Bretagne.
Assis à la pointe de Trevou, je regarde la marée monter, l'eau chargée d'algues investir les vases cristallins couchés sur la côte, les grottes et le sable de la plage, à la manière de tous ces souvenirs, qui, un à un, ou par petits groupes, viennent remplir ma conscience. Lassé d'eux comme de ce paysage morne et gris, rayé par la pluie comme l'est par les rides le visage d'un vieil homme, j'attends avec impatience la marée descendante, quand je serai délivré des amères images salées du passé. Mais je ne me fais pas d'illusion : de ces bouffées de nostalgie il restera toujours un dépôt au fond de mon crâne, semblable à ces petites mares d'eau stagnante que laisse la mer en se retirant.

Tuesday, May 24, 2005

Duo d'enfer


Il avait tout plannifié, rien ne devait trop vite exploser. Mais il avait quand même peur de se faire prendre, et de devoir fuir. Alors il l'avait séduite, d'abord parce qu'elle lui plaisait vraiment, qu'il aimait la façon qu'elle avait de s'exprimer - le ton de sa voix restait toujours uni et calme -, et sa folie douce. Il savait qu'elle accepterait de le suivre et même de l'aider dans son plan. La fusion était trop parfaite - on en avait rarement vu deux s'aimer autant, c'était terrible - ils faisaient l'amour tout le temps. Ils n'avaient plus de repères, toute leur vie s'était faite flux et reflux de fluides, couleurs et printemps sans fin, en attendant l'été et les orages. Quand il a commencé à se lasser d'elle - il savait que cela arriverait, aussi sûrement que son amour pour elle lui venait du fond des tripes - il a commencé à la manipuler : tous ses gestes, toutes ses paroles, les moindres discussions qu'il avait avec elle avait pour but de la conditionner. Il préparait ses reflexes, aiguisait ses envies, et puis il l'a laissée.
Mais tout a explosé : les cris, les larmes, les coeurs sanglants jetés contre les murs, tout est parti comme une folle envie de se dire oui, comme un ouragan qui tomberait de haut dans les campagnes, dans les déserts où personne ne rencontre personne, où les passions tournent à vide et détruisent. Elle a réagi au-delà de ses espérances. La chute avait des charmes auxquels elle n'a pas voulu résister - car elle avait résisté tout le temps, d'abord à ses frères qui la rabaissaient constamment, ensuite à ses perfides camarades d'école qui la trouvaient trop libre pour une fille de son âge, et puis au début de son amour pour lui, pour ne pas trop se livrer - alors elle est tombée amoureuse comme on tombe dans le vide.

Monday, May 23, 2005

Lavage automatique

Dans la véranda claire on croit exister dans la lumière. Pour une fois on se regarde, on entend le vent dans les arbres. Si un oiseau nous voit dans les tissus du souvenir il nous quitte et vole vers d'autres mirages, il n'a pas la saveur du retour dans le sein il croit encore à ses premiers rêves, ceux qui lui ont toujours procuré un vrai bonheur, une douce envie de fermer les yeux, comme Diane au lac endormie. Mais la nudité assoupie rend l'échange difficile, on se méfie, on ploie, on s'énerve dès que quelqu'un vous voit. Alors une poursuite commence, dans les vallons, sur les routes où personne n'ose se risquer, là où mille fait divers nous ont déjà été contés. C'est un endroit sombre qui fait toujours peur, car il nous rappelle l'enfance, quand on se faisait gronder, et que, décontenancé, on ne savait plus où aller.
Oh! si jamais quelqu'un sait vous parler, vous regarde droit dans les yeux avec la douceur que l'on attendait, s'il oublie tout ce que la patine des heures a tristement lissé, s'il nous fait grâce des reproches que l'on avait refoulés, alors on pourrait presque écouter.
Dans les fleurs un murmure nous dit que la nature existe encore.

Thursday, May 19, 2005

Une ancienne collègue

Pour une fois je ne cite pas. Une ancienne collègue, croisée il y a un instant, m'a presque fait vomir. Alors j'ai préféré l'écrire. Désolé pour les maladresses, mais je vous retranscris ça pêle-mêle.

Je viens de la revoir... oh! Combien la graisse s'est logée dans le haut de ses bras!
C'était devenu une grosse rousse adipeuse et fétide. Elle n'avait pas dû prendre tant que ça, mais j'avais presque du mal à la reconnaître. Sa peau, autrefois d'un beau blanc laiteux, commencait à être prisonnière des rets bleu pâle de ses veines. Avant sa rousseur donnait une chaleur bruissante à la blancheur de son teint, maintenant le bleu de ses artères s'y mélangeait - ou plutôt ne s'y mélangeait justement pas - et brisait l'harmonie fauve qui faisait son charme.
J'avais l'impression d'être devant une vieille tenante de bordel, rongée par un vice si dégoûtant qu'il débordait, rejeté de son corps mou par tous les pores de sa peau. Ses petits yeux ronds, d'un bleu très clair, étaient cerclés de graisse, sans vie, sans charme. Son manque de goût - sa profonde vulgarité - lui avait fait choisir un body jaune vif et sans manche, de quoi écraser et faire gicler - pressée comme la surface d'une mayonnaise agitée - la gelée informe de ses épaules.
Ses traits, auparavant plutôt fins, s'étaient noyés dans le gras. Ils avaient suffoqué, puis péri. Son visage ovale était maintenant plat et luisant, comme l'eau grise et stagnante d'un bain moussant dans lequel quelqu'un se serait déjà lavé.